mardi 29 juillet 2008

En boutre...


Le 22.07.08

Sur le boutre. Départ aux aurores après petit dèj' dans une gargote sur le port de Morondava. Beaucoup de vent jusqu'à 10h30. Maintenant, la mer est calme. Nous attendons de pouvoir joindre Belo s/mer que l'on distingue à l'horizon. Ce matin, des dauphins accompagnaient le départ des bateaux.

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Le 23.07.08

Après une grosse matinée de navigation au soleil, un déjeuner local - riz et légumes - sur le bateau, nous accostons à Belo s/mer, petit village de pêcheurs vezo charmant depuis la plage.
Nous avons invité notre équipage à partager quelques bouteilles de THB (bière locale) - que les gars ont englouties en un temps record ! - et sommes partis nous promener.

Le village est fait de petites cases en bois sous toit de palmes sèches avec des clôtures de planches ou branches, qui forment un réel labyrinthe de ruelles sablées. La rue principale compte de nombreux petits bars et stands-échoppes. Véritable village pirate, l'atmosphère qui y règne est calme, comme écrasée par la chaleur. L'après-midi, le temps est suspendu.

Mais le village se réveille à la nuit tombée, les échoppes ouvrent leurs fenêtres, des étalages divers et variés jalonnent toute la rue, la musique bat son plein sous un éclairage de loupiotes jaunes et colorées et les bars sont débordants de visages étincelants de dents blanches et de rires francs.
En quête de toilettes décentes, nous avons échoué nos deux corps à la terrasse de l'hôtel-restaurant "blanc" du bout de la plage. Y avons rencontré la communauté vazaha de Belo.
Retraités amoureux du coin, anciens marginaux déçus par la société cherchant une autre vie et autres vacanciers égarés forment une famille accueillante et alcoolisée... Avons dîné de brochettes de mérou délicieuses avant de prendre congé et de partir à la recherche de notre équipage, en charge de nous ramener au boutre.
Nous les avons trouvés là où nous les avions laissés... attendant la marée basse au sein d'une ambiance déchaînée pleine d'embruns. Deux heures à attendre encore pour pouvoir rejoindre le bateau avec la pirogue trouée... Leur avons donné rendez-vous sous la carcasse d'une des goélettes du chantier naval, où nous avons décidé de commencer notre nuit dans la fraîcheur moite du sable.
22h30 : mal endormis-mal réveillés, nous traversons à pied les deux chenaux à la lueur de la frontale, vêtements remontés sous les aisselles. Nos deux marins sont, semble-t-il, plus joyeux... et souffrent moins du poids de la pirogue qu'ils ont retrouvée dans la nuit sans problème et qu'ils mettent à l'eau en se marrant.
Accroupis au fond, nous tentons de maintenir l'équilibre en silence, l'un des gars écope, l'autre pagaye.
Sur le boutre, sains et saufs, avons découvert une douzaine d'énormes blattes cachées dans les recoins des planches de notre cabine, avec qui nous devions partager cette première nuit à bord. Nous nous sommes glissés dans nos sacs de couchage, blottis l'un contre l'autre et endormis.


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Notre cabine

Au centre du bateau, il y en a deux, séparées d'une cloison de planches mal ajustées; l'une nous est destinée. 3m² de superficie, carrée et d'une hauteur de 80cm, c'est une boîte en bois. A bâbord, une petite ouverture sert de fenêtre. A tribord, la porte d'entrée (50x80cm) par laquelle nous entrons à quatre pattes. Sur le sol, un vieux tapis de mousse taché. Dans la cabine, l'espace est partagé entre nos quatre sacs, les paniers à provisions, les packs d'eau et nous.

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Nous avons passé hier une journée très agréable, étions très enthousiastes. Cette petite gargote tout d'abord, avec cette dame qui préparait les beignets de farine de riz, où les pécheurs du coin venaient boire un thé, la matinée de boutre ensuite, à toute vitesse sur le Canal du Mozambique, portés par un vent de terre rugissant et énergique, vigoureux, l'arrivée à Belo enfin, les chantiers de boutres et de pirogues, le village et la rencontre de deux jeunes ingénieurs, Nonosy et Achille, venus de Tana poser une antenne de téléphonie mobile pour désenclaver la région, en vacances forcées depuis un mois à cause de l'absence d'engin pour acheminer leur matériel sur le site choisi par Celtel, l'entreprise à capitaux arabes qui les emploie. Intérêt pour leur regard de citadins sur le monde rural, sur la pauvreté et sur le dénuement de l'ouest, leur enthousiasme pour la découverte de leur île, leur vision de l'avenir...

Et puis, le vent a tourné. Une armée d'expats a envahi la terrasse sur laquelle nous conversions. Regards croisés de post-coloniaux amoureux des bons sauvages, de retraités alcooliques, d'anciens toxicos en quête d'un lieu de sevrage... Les brochettes de mérou avalées, nous n'avons pas demandé notre reste et avons quitté la case de M. Philippe, espérant pouvoir regagner notre goélette de pirates au plus vite. Peine perdue. La marée haute avait éloigné la plage du mouillage au loin dans la nuit noire. La rue principale de Belo, calme en journée, était devenue un bouge coloré parcouru de putes et de soûlards enivrés par une musique tonitruante crachée par de ronflants générateurs au gasoil. Avons retrouvé là nos deux mousses, Gilbert et truc, qui, à leurs dires, nous avaient (un peu) cherchés, et qui nous ont expliqué que deux heures ne seraient pas de trop pour laisser redescendre la mer afin de rejoindre la pirogue percée qui nous ramènerait au bateau.

Nous avons donc attendu, Claire et moi, dans le sable, à la belle, abrités du vent par le squelette d'un boutre en construction, le moment où nous pourrions enfin aller nous coucher. Les bougres sont revenus 1h30 plus tard un peu saouls. Nous avons traversé les chenaux jusqu'aux cuisses et sommes rentrés en équilibre précaire au vieil esquif en bois de corsaire où nous attendait notre bougon Achab le capitaine Dada (si si c'est son nom !), la bouche toujours entrouverte sur ses grandes dents, un corps de Rodin et une jambe raide (la droite) qui le fait boiter comme dans une légende de marins pittoresques.

L'apocalyptique lumière de nos frontales (encore elles) nous a alors révélé le cloaque qui nous sert de cabine, autre version du "trou" d'Ankavandra (sans la merde !) où les cafards ont eu la gentillesse et l'amabilité de nous faire une place au milieu des puces et des punaises. Chant des rats dans la cale. N'avons pas rallumé nos lampes pour vérifier si c'était vraiment dans la cale... Première nuit.


Journée rude aujourd'hui, où les frustrations se succèdent. Café salé au réveil, gourmandise malvenue de l'équipage pour les distances, impression d'être la marchandise du rafiot, vazaha à livrer au plus vite à Morombe, racisme ambiant, communication interrompue. Fin du message. Bip. Attendons la terre pour nous dégourdir la tête et les jambes.

Manu, une vision du tourisme équitable


Manu, qui n'est pas très fort en français, confond "échange" et "troc".

Il pense que donner une bouteille de rhum à de pauvres paysans contre leur ration de riz et de viande de la semaine (forcément, les pauvres bougres accueillent l'"étranger" comme un prince...) est une manière de partager. Il ne connait ni leurs noms, ni rien de leur vie. Il n'a jamais fait l'effort (en cinq semaines) d'apprendre le moindre mot de leur langue (même pas "bonjour", "au revoir", "merci", et ça ne l'intéresse pas vraiment...), ni le moindre aspect de leur culture. Seuls l'intéressent le prix des choses et la direction des lieux où il veut aller. Lorsqu'il repart, les gens n'ont plus rien à manger, seulement de quoi boire, et Manu a une chouette photo avec des "vrais gens" dessus : "Ouais, je fais pas comme les autres touristes, moi, je partage la vie des gens, je vais dans les petits villages, à la roots, quoi !"

A cela s'ajoute une radinerie à toute épreuve. Nous l'avons vu humilier un malgache pour une ristourne de 4000 ariary (1,60 euros, sur une prestation à 350000 ariary - 140 euros - comprenant : les frais de guide, la bouffe pour quatre jours, l'eau, la location de la pirogue, le salaire des piroguiers pour descendre et remonter la Manambolo - 9 jours en tout... -, le tout pour deux personnes...). A genoux, il l'a mis. 
Nous sommes heureux de ne plus croiser sa route.

L' allée des Baobabs - Morondava


Le 20.07.08

Départ pour Morondava en 4X4. Avons rencontré Etan et Judith, un couple suisse qui va partager la route avec nous.
Expérience du Bac, traversée de rivières (Manambolo puis Tsiribihina) sous les yeux des femmes qui lavent leur linge coloré. Après une pause déjeuner à Belo s/Tsiribihina, la si vantée "allée des Baobabs" nous apparait sous le coucher du soleil. Quelle merveille ! Suis contente de faire quelques pas en liberté avec les enfants du coin autour de moi, n'en pouvais plus de cette course poursuite de 4X4 remplis de touristes, se suivant et se croisant, jouant à qui arriverait le 1er à attraper le coucher de soleil sous les grands arbres.
Nuit dans un hôtel tout confort à Morondava...


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Le 21.07.08


Morondava. L'Oasis. Resto rasta. Très sympa. Tenu par Jean, un rasta vezo voyageur. Bonne musique, bonne ambiance.

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Le "Degôly"

"La région du Menabe est une pépinière musicale inépuisable à Madagascar. Là-bas, chaque genre de musique marque une histoire ou une époque. Au XXème siècle, un nom se répétait aux oreilles du peuple malgache : "De Gaulle", du général français "Charles de Gaulle". Mais, à Menabe, ce nom allait créer un genre de musique très populaire qui séduisit toutes les catégories sociales du peuple jusqu'aux années 80 et 90, c'était le Degôly. Ici, Fataka, le guitariste folk bluesman nous amène à faire un voyage en pirogue le long du fleuve Tsiribihy pour savourer le Degôly avec ses mélodies mélancoliques en compagnie de sa guitare et de son harmonica. Il n'hésite pas à enrichir le chant de sa six cordes avec ses techniques particulièrement originales, qui dialogue harmonieusement avec son Degôly dans une atmosphère parfumée de Blues."

(Fataka - "Tomboarivo")

Excellent !!!


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Dîner avec Jimmy au son du Degôly. Sept frères et sœurs, petit dernier, père mort par empoisonnement (son meilleur ami, jaloux de sa réussite sociale) lorsque Jimmy avait dix ans. Pas d'argent donc pour l'école; Jimmy a dû arréter à 14 ans. Devenu jardinier, un vazaha lui a payé son permis de conduire et Jimmy est devenu chauffeur, de taxi-brousse d'abord, puis de marchandises et de touristes, avant de devenir guide. Jimmy était notre contact à Tana. C'est grâce à lui que nous avons rejoint Morondava en passant par la Manambolo. Comme il est vezo, Jimmy connaît tout le monde entre Morondava et Tulear. Il nous a présenté Dada et Gilbert avec qui nous avons conclu un marché pour descendre en boutre jusqu'à Morombe.

Au fil de l'eau...


Le 16.07.08

(Ecrit sur la pirogue)

Derrière nous, Ankavandra, sa femme au pieds nus, son chef de gendarmerie, ses portraits de Britney Spears en nichons aux murs des gargotes, les berges de la Manambolo et la rencontre avec Emmanuel et Cécile avec qui nous partageons la descente du fleuve.

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Hier, une goutte de rhum, une prière et nous avons embarqué.

Depuis, zig zag sur la Manambolo à la recherche des tirants d'eau.
Ce matin, des paysans armés courant après leurs zébus volés, le bruit de l'eau, le chant des oiseaux, grues, hérons, martins pécheurs, un caméléon blanc dans les cannes à sucre, des canards sauvages, milans, corbeaux à la gorge blanche, pécheurs, de rares marchands, des manguiers, berges ensablées et quelques palmiers. Des poussières d'or dans l'eau rousse.

Après avoir longé les Hautes Terres vers le sud, nous filons vers l'ouest comme une lame de rasoir sur la gorge d'un canard....


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Le 17.07.08

Troisième jour de pirogue. Le temps passe len-te-ment... Le paysage change autour de nous, le sable des berges laisse la place à plus de végétation et nous apercevons au loin les falaises du défilé que nous allons longer en fin de journée.

La canne est triste... Son compagnon nous a régalé au dîner d'hier soir ! Elle ne s'exprime plus que lorsque nous nous échouons sur un banc de sable, et que le fond de la barque qui se réhausse l'écrase contre le banc sur lequel je suis assise... OIN OIN !!
Le canard, ce palmipède calme, joyeux et expressif, a partagé l'avant de la pirogue avec moi pendant deux jours et je peux maintenant ajouter à son CV le qualificatif "goûtu" !

Pause déjeuner sur une berge, à l'abri des arbres qui communiquent entre eux par des lianes torsadées. Un vrai nid d'insectes en tous genres, attirés par notre odeur de plus en plus agressive...

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Le 18.07.08

Arrivés à Bekopaka. Découverte des petits Tsingy. Impressionnants ! J'ai hâte de voir les grands Tsingy !
Mais je ne supporte vraiment plus mon odeur, vivement la douche promise à l'hotel ce soir !
Pas d'eau chaude... Il fait froid le soir... On n'est plus à un jour près, la douche attendra demain...

Tsingy : Formation géologique calcaire faite d'amas de coraux et de coquillages qui, après le retrait des mers et suite à l'érosion de pluies plus ou moins acides, forment des pics hauts de 15 à 75 m, tranchants, labyrinthiques comme des orgues géants.

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Le 19.07.08

Bekopaka. Quatre jours de pirogue nous ont rassasiés !

La vie au fil de l'eau s'est révélée difficile... plus difficile que prévue... en particulier pour nos fesses qui ont supporté douloureusement les sept heures de position assise quotidiennes sur la barquasse en plastique bleu.

Pas ou peu de crocodile (j'ai vu l'ombre chinoise d'un jeune dragon glissant dans l'eau, Claire a vu une queue), des oiseaux, des enfants cherchant pitance à notre campement ce matin, affamés; les bords du fleuve ont dévoilé la pauvreté extrême de l'ouest malgache.Dans les villages, pas d'école, pas d'hôpital ou de dispensaire. Vontzi dit que les gens se soignent à la médecine traditionnelle lorsqu'ils sont malades ou blessés. Que le plus souvent, ils attendent la mort dans leur lit. Les enfants travaillent dès le plus jeune âge avec leurs parents pour récolter le maigre menu des repas qui les affament.

Nombreux feux de brousse le long de la Manambolo. Allumés par les brigands pour effacer les traces des zébus volés qu'ils cachent quelque part dans la vallée.


Arrivés dans les gorges, notre piroguier, Pati, s'est transformé en messager pour les habitants du fleuve, portant des nouvelles d'Ankavandra ou d'ailleurs pour les uns et les autres.

Un mot enfin pour dire que Talao a pris semble-t-il un certain plaisir à égorger une poule et un canard que nous avons mangés avec délice, privant Claire de ses compagnons de voyage !

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Quelques heures avant l'arrivée à l'embarcadère, nous sommes remontés le long d'une ravine pour nous baigner dans une piscine naturelle.

Nous sommes maintenant un peu vidés, d'autant plus que nous avons passé l'après-midi d'hier et la matinée d'aujourd'hui dans le parc des Tsingy, rochers énigmatiques aux formes sculptées par l'érosion, lieu sacré, tombeau des Vazimbas, les premiers habitants de Madagascar dont les esprits, de l'air sont les rois.


Avons quitté hier Cécile et Emmanuel, rencontré dans la foulée Judith et Etan, deux suisses de Zurich qui seront nos compagnons jusqu'à Morondava.

Dernière nouvelle de la journée : six jours après notre "douche" d'Ankavandra, enfin, nous sommes propres !!!

lundi 21 juillet 2008

Ankavandra


Le 14.07.08

Ankavandra jour 2.

Vivons depuis hier dans un hôtel rustique au centre du village d'Ankavandra. Nous avons quitté les Hautes Terres du Bongolava et sommes désormais dans la plaine du Bemahara au cœur du pays Sakalava. La vie ici épouse les désirs de la Manambolo; c'est la vie du fleuve, la vie au rythme de l'eau. Il fait très chaud !

De la terrasse ombragée d'où j'écris ces lignes, je peux voir l'imposant massif que nous avons traversé ces derniers jours, rouge et rond comme un ourlet. Je revois ses veines rouges, écrasées par un soleil impitoyable, ses feux de brousses, ses ravines rouges de verdure comme des coups de griffe, ses herbes hautes, la savane malgache, les petits villages de terre cuite aux toits de paille sèche, cinq-six maisons rassemblées sur le dos rond des collines, au cœur étoilé des sentiers, ses oasis de fraîcheur et ses points d'eau salutaires.
Je pense à Tojo, Edward et Lotra, au sourire charmant des enfants, aux longues marches traversées de rivières à pied nu, aux paillettes de nickel dans la fine poussière rouge et à cette après-midi magique et colorée où Claire a mis tout ce petit monde à l'aquarelle à l'ombre des manguiers.
Images aussi des rizières dans les creux humides, de cochons à pois noirs et de troupeaux de zébus de retour des pâturages. Souvenirs de grands oiseaux survolant leur territoire, de petits hommes en sagay craignant d'invisibles bandits, d'un lever de soleil mérité sur une plaine couverte de fourmilières roses comme des kerns, levant le voile sur la vallée, cette vallée tant désirée, rose et bleue, où coulent les nœuds du long serpent serein, la Manambolo, Ankavandra lovée en son sein.

L'arrivée à Ankavandra se fit au pas de course, comme le vol d'un milan le long des rizières, le long des cannes en fleur,
à travers les zébus les aigrettes,
les enfants les villages,
vers l'ombre bienfaisante de cette terrasse, vers ce fleuve dont nous descendrons bientôt les courants, les anneaux et les berges peuplées d'oiseaux, du sourire des enfants et des femmes, des vieillards et des hommes des plaines du Bemahara.


Vidéo envoyée par Kunlegs

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Le trou.

Au fond de la cour, il y a le "trou".

Le "trou" est une petite pièce exigüe, faite de trois murs de ciment, d'une porte en bois défoncée, couverte d'une plaque de tôle rouillée, éclairée des quelques rayons de lumière qui passent çà et là à travers la porte, l'un des murs et les étais. Dans le "trou", il n'y a rien, sauf un trou au sol et une petite corbeille en plastique vert pleine de PQ. Quelques auréoles décorent la dalle de béton qui sert de sol. Une odeur familière exhale du trou, noir, profond semble-t-il, si l'on en croit le temps que met l'urine à en toucher le fond.

Cette nuit, par deux fois (il fait chaud ici et je bois beaucoup d'eau), je me suis rendu au "trou" avec ma frontale (pas de lumière dans le "trou", pas d'électricité à Ankavandra) et j'ai vu le fond du trou. Le trou du "trou" est profond de deux mètres environ. La cloison est faite de briques, le fond est une mare de matière fécale, de pisse, mélange du fond du fond des intestins des vazaha passés par Ankavandra. Cette boue stomacale fait le bonheur de toute une population de bestioles qui sortent la nuit nettoyer les alentours du trou.

Cette nuit, cette joyeuse bande de cafards, cancrelats, mouches, araignées et de blattes (des grosses blattes) était à la fête sur les bords du trou.
Je les ai régalés !


Le Bongolava


Le 09.07.08

Traversée du Bongolava avec Lalasy et Jimmy. Rizières parsemées de grands échassiers blancs (les aigrettes ?), briqueteries dans le lit du fleuve ou dans certaines parcelles. La saison sèche permet cela : collecte de l'argile, construction de petits bunkers de briques humides dans lesquelles on fait un feu pour les durcir. Partout sur les collines, entre les villages, entre les rizières, des sentiers rouges comme la terre : les veines de la Grande Ile, déjà aperçues depuis le ciel à l'arrivée. Quelques forêts pour les vers à soie. Les jachères des rizières, saison sèche oblige, servent à faire pousser des patates, des tomates, etc... Beaucoup de zébus, quelques troupeaux de chèvres.

Passons la nuit à Tsiroanomandidy. Demain, taxi brousse jusqu'à Belobaka. Claire a commencé à étrenner son malgache. Les gens nous sourient. Nous sourions aux gens. Nous sommes heureux.

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Le 10.07.08

Passé la matinée avec deux petites filles très mignonnes. Raël, leur papa, est chargé par le gouvernement de contrôler l'usage des crédits alloués au développement des zones rurales. Il a la peau noire, de longs cheveux raides, un tee-shirt de hard-rock et des bottes de cow-boy. Il dit qu'il était musicien (guitariste) dans un groupe de rock, qu'il composait des morceaux, qu'il a arrêté tout ça parce qu'il n'a plus le temps avec ses trois petites filles (Crystal, la petite dernière, a dix mois). Tout le monde lui souhaitait d'avoir un garçon. Il dit que ça n'est pas grave...Son métier fait de lui un papa absent, toujours en vadrouille dans l'une des provinces du pays. Il est motard. Parfois il marche (jusqu'à 40 km dans une journée) pour visiter les zones les plus isolées. Il dit que ce n'est plus trop possible aujourd'hui à cause des bandits. Tous les 5 vivent à Tana. Pour la première fois, Raël a décidé d'emmener sa famille avec lui, pour lui montrer l'ouest et passer plus de temps avec elle...


Promenade en ville sur les coups de 11 heures. L'impression d'être un extra-terrestre avec les baskets, les lunettes de soleil et le sac de rando high-tech ! Beaucoup ici marchent pieds nus, chapeau de paille ou casquette américaine sur la tête. Les enfants rient sur notre passage en disant : "bonzour vazaha !" (ce que nous sommes, des "vazahas", étrangers blancs). Impressions de Far West, d'Afrique, d'Asie. Des pousse-pousses et des charrettes. Des échoppes de fruits, de légumes, d'épices, de viande. Des odeurs agréables soulevées par le soleil et la chaleur. Beaucoup se déplacent en vélo. 


Un enfant dans un arbre décrochait des gousses de tamarin en fouettant les branches à l'aide d'un bâton pour régaler ses camarades. Au loin, au bout des rues, montagnes rouges, végétation semi-aride. Ici, des poinsétias, papayers en pagaille, frangipaniers en fleur, flamboyants, jakarandas, manguiers, arbres du voyageur... Claire ne se sent pas très bien... Nous espérons que ce n'est rien... Ce soir, nous serons dans un petit village très isolé, pas de dispensaire, peu de possibilités de retour. Et puis, nous sommes censés marcher trois jours après ça... Loin de tout... Nous espérons vraiment que ça ira mieux rapidement...

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Belobaka.

En deuil de nos estomacs, avons déposé une gerbe à Belobaka !

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Le 11.07.08

Premier jour de marche après une nuit plus ou moins réparatrice... Humpfff ! Dur dur...
Au début, que du bonheur. Les paysages sont splendides. Grandes étendues de savane vallonnée à perte de vue. Dans les flancs des collines, au détour d'un virage, un éboulis a fait naître une oasis et le vert des arbres qui y poussent contraste avec l'orange argileux de la poussière que nous foulons de nos pas et qui peu à peu nous recouvre.

Et puis... marcher au rythme de deux bambins malgaches aux pieds presque nus, qui gambadent sous un soleil de plomb, l'estomac encore capricieux par moments, ça casse un peu. Leurs rires et leurs jeux sont une vraie source de courage, heureusement.
Pause déjeuner sous un arbre. On s'étend sans trop de complexes sur une bâche couverte de sang séché de zébu, et on partage l'espace avec une grosse truie blanche, un cochon noir et un petit cochon à pois (!) qui grattent le sol du groin en quête de fraîcheur.

Arrivés au campement à 16 heures. Dans un virage du sentier où coule une rivière. Nous avons dû en passer plusieurs dans la journée, Vonzy me porte pour que je ne mouille pas mes chaussures... pendant que Julien se déchausse et renfile par la suite ses chaussettes pleines de boue !

Les porteurs : trois hommes en tongs, ils cavalent malgré des charges énormes (notamment nos deux sacs, chacun 15 kg) qu'ils portent de préférence sur la tête.


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Le 12, levé 6 heures, départ 7 heures. Découverte de la température au levé du soleil, l'air est frais ! Après quelques tartines de confiture de fraise qui font du bien - tsara ! -, on attaque la montée. Nos pieds remuent la poussière, avancent au rythme du chant des porteurs, slaloment entre les fourmilières. Arrivés à la frontière entre la région administrative de Tana et celle de Tuléar, dans le Bongolava, petit café au vent sur la crête, à l'abri d'une cahute de fortune, tenue par une vieille femme, seule gardienne des lieux. Et puis la descente vers notre lieu de campement près d'une rivière, à l'ombre des arbres, en pleine jungle.

Ce jour, j'ai foulé un serpent du pied, échangé quelques mots en malgache, partagé mon aquarelle, ma douce pause peinture...

Troisième jour, dernier jour. Levé 3 heures... Départ 4 heures pour profiter de la fraîcheur de la nuit. Les pas résonnent dans tout le corps, les yeux sur les talons du marcheur qui me précède, la tête dans les étoiles, le rythme est soutenu.
Un pas, et puis l'autre, les fourmilières sont de petits kerns qui jalonnent notre route, le corps fonctionne seul, les pensées s'évadent, l'impression de liberté me saisit au sommet, le soleil est levé et on aperçoit au bas de la falaise les basses terres, le pays Sakalava et la Manambolo qui serpente et borde Ankavandra. Fin du parcours.


Le 13.07.08.

Après trois jours de marche, un caca dans un trou et une douche rudimentaire, rien de tel qu'un bon match de foot à Ankavandra ! L'équipe locale reçoit ce dimanche l'équipe d'un village voisin. Pour cette rencontre au sommet, les locaux ont mis les petits plats dans les grands : filets dans les cages et petits drapeaux aux angles du terrain. Tout le village est là : hommes, femmes, enfants, chèvres, coqs, cochons, à l'ombre des manguiers. Ai quitté l'assemblée (la joyeuse assemblée !) à la mi-temps. Ankavandra menait 3-0. A chaque but, cris de joie, applaudissements, embrassades. Au troisième but, le terrain a été envahi par une foule d'enfants enthousiastes. La plus belle occasion de l'équipe adverse a rebondi sur un petit cochon inconscient qui traversait le terrain. L'animal, terrorisé, a cherché à s'enfuir... et le match a dû être interrompu car la pauvre bête était prise, de la tête à la queue, dans le filet du but ! D'où on a dû le déloger... Balle au goal, six mètres.


mercredi 9 juillet 2008

Tana


Le 07.07.08

Pas d'agression, ni à l'aéroport, ni à l'hôtel.
Petit hôtel plein de charme.

Depuis l'aéroport de Tana, route jusqu'à l'hotel, serpent grouillant sans règle semble-t-il, mais où tout le monde a sa place... entre un piéton et un minibus, une charrette et un vélo, un fossé et un 4x4. Tout autour, des terres humides, brunes, rougeâtres, mouillées par des flaques, marécages, ruisseaux de boue. Des hommes, des femmes et des enfants pèchent, récoltent des sacs plastiques au milieu des rizières. Des charrues de zébus pour retourner la terre. Çà et là du vert vif. Au loin et sur les bords, des terrasses de maisons, de cahutes de ciment, de bouse séchée et de bois sous tôle. Tout le monde s'affaire sous le soleil de midi, on cohabite, on se rencontre et suit son lot de tâches quotidiennes. La vie !

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Terrasse du Karthala.
Douce, très agréable. On entend au loin le coeur de la ville, voitures, klaxons, moteurs, freins qui grincent. Aucun nuage. Lumière couchante sur les collines alentour. Une église blanche au toit de tôle accoudée à un if prend la lumière en face. Maisons de briques rouges. Immeubles un peu passés. Toits pointus. Quelques fleurs. Quelques arbres. Deux bébés chats jouent dans la cour entre les hortensias bleus du jardin. Une jeune fille balaie sa cour, sans perdre une miette des allées et venues des gens qui passent dans les escaliers de la ruelle. Joli petit coin de la ville haute. Charme des volets en bois peint, abîmés par le temps. Allure très urbaine d'une dame en robe rouge, le visage asiatique, les mules rôdées à la descente d'escalier pour se jeter dans les artères de la ville. Pierre, béton, brique, tôle et bois. Un bébé emmitouflé dans une polaire rose, un bonnet sur la tête, ne craint pas l'hiver austral. Fraîcheur des zones d'ombre. Caresse du soleil sur les tissus - damier bleu, nappe rose - qui sèchent calmement sur un toit. Des fils électriques en bataille. Quelques paraboles. Une très belle lumière en tous cas, me berce dans les bulles de ma Pilsener (65 cl) !

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Discussion avec Nolavy qui nous vend son périple... Rdv avec lui demain 17h pour donner une réponse (descente RN7 Antsirabe, etc... puis vers l'ouest Tsingy, pirogue, etc...).

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Le 08.07.08

Toujours Tana. Beaucoup plus agréable que prévu.
Journée de balades et d'infos, de colline en colline, briques rouges, poussière, pollution, et une population souriante, adorable, douce. Dans les vallées (vues depuis les nombreux belvédères des collines), ce que nous prenions pour des rizières sont en réalité des parcelles de culture de différents légumes (brèdes, etc...), des cressonières... au coeur d'une ville de 3 millions et demi d'habitants !
Avons déjeuné dans un lieu charmant, au pied du Rova, le Palais de la reine (prononcez "Rouv'"), notre premier filet de zébu ! De ruelles en escaliers, de dérives en promenades, avons arrêté notre trajectoire pour les prochains jours.

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Aujourd'hui, le 09.07.08

Nous partons pour un village à l'ouest de Tana. Deux jours et demi de marche vers l'ouest à partir de là pour atteindre les rives du fleuve Manambolo, que nous descendrons en pirogue pendant 4 jours pour arriver au coeur du parc des Tsingy de Bemaraha, Patrimoine Mondial de l'UNESCO. De là, nous devrions poursuivre plein sud jusqu'à Morondava et ses allées mystiques de baobabs. En tout, 12 jours en marge des circuits balisés du tourisme malgache. La solution la plus "roots" que nous ayons trouvée puisqu'aucun des itinéraires traditionnels ne fait la descente du Manambolo.

A Morondava, il nous restera à trouver un moyen de joindre Tuléar, au sud, avion, bateau ou 4x4, pour continuer notre voyage. Tuléar sera pour nous la porte du sud... et ce sera déjà une autre histoire, une autre ethnie, un autre cadre de vie.

lundi 7 juillet 2008

Veille du départ

Minuit et demi.

Aujourd'hui,

grand ménage dans la maison, 
changements d'itinéraire de dernière minute, 
préparation des sacs, 
stress, 
impression d'avoir oublié des trucs, 
exaltation, 
fatigue, 
pleine forme !!!

On espère que tout va bien se passer !

On est super pressé d'y être !