vendredi 13 mars 2009

Ashokan


Le 10.03.09

Départ de Varkala et retour en Inde...

A la gare, pendant que nous mettons au propre les recettes de cuisine sur un banc du quai n°1, un homme d'une quarantaine d'années s'assied à côté de moi et se met à me parler. Il est vêtu d'une chemise blanc cassé, d'un pantalon gris et porte des sandales en plastique noir. Posé sur ses genoux, un petit sac de sport noir qui ne semble pas contenir grand chose. Il parle un anglais très correct et sa voix est douce, pourtant, ses yeux gris paraissent un peu vitreux.

Il a reconnu que nous parlions français et il me demande si je connais Bordeaux. Je lui réponds que c'est là que nous nous sommes rencontrés Claire et moi. Il me parle alors de l'Université de Bordeaux où officient certains de ses amis, m'explique qu'il était professeur d'hindi et d'anglais au lycée français de Pondichéry, qu'il est traducteur et scénariste mais qu'il n'a plus de travail. Je le vois venir mais le laisse continuer.

Toujours dans un anglais très doux, il me raconte qu'il a un fils de 19 ans, qu'il a perdu son emploi à cause de problèmes de famille. Il répète plusieurs fois que sa vie est très dure. Son haleine sent l'alcool. Il est lucide et cultivé; il connaît les anciens comptoirs français de l'Inde, dit qu'il est allé à la Réunion où vit une importante communauté tamoule et évoque Madrid et Barcelone quand je lui dis que Claire est professeure d'espagnol...

De temps en temps, il essuie du pouce quelques larmes qui coulent sur ses joues quand il parle de ses difficultés et des moments où il pense mettre fin à ses jours. Il me serre la main lorsqu'il apprend que nous sommes enseignants. Il explique qu'il n'a rien mangé ce matin, qu'il ne va nulle part parce qu'il n'en a pas les moyens...

Depuis le début de la conversation, les images du livre que j'ai terminé hier soir s'entrechoquent dans mon crâne.

C'est alors que, d'une manière très pudique, il en vient à la raison de cet échange. Il sort de son sac des feuilles de papier qu'il me tend. Ce sont des photocopies de mails adressées à un certain "Ashokan". Des européens, anglais, français, allemands, annoncent qu'ils vont envoyer de l'argent; 200€ dit l'un des e-mails.

Je lui rends ses papiers : "Ashokan, is that your name ? (il acquiesce) I'm sorry Ashokan but I can't help you."

Il semble comprendre mais reste assis là.

Quelques minutes plus tard, alors que Claire est sortie fumer une cigarette, il revient à la charge et me propose de nous emmener dans son village à 120 km de Cochin, il faut juste qu'on lui paye le billet; le tout ne reviendra pas à plus de 150 Rps... "I'm sorry Ashokan but I can't help you."
Et encore, juste un peu d'argent pour manger, "I have a very hard life..."

"I'm sorry Ashokan. I won't help you."

Sur ces mots, il se lève, me salue avec beaucoup de calme, de pudeur et de dignité, et il quitte le quai n°1 de la gare de Varkala Junction.

2 commentaires:

armelle a dit…

Alors voilà, je m'absente deux malheureux jours et... Bon allez, je ne vous en veux pas. Moi qui bavais devant vos futurs massages...
La rencontre avec Ashokan me serre le coeur, heureusement que je n'y étais pas je lui aurais donné jusqu'à ma culotte, sais pas dire non dans ces cas là, Claire a fumé sa clope au bon moment (au fait c en voyage qu'il faut commencer à arrêter ces dépendances là, justement après un petit massage zen...:-))
Sinon ici, toujours pas d'accord signé entre le cospar et le préfet pour une baisse des prix et une hausse des salaires, mais c quand même nettement moins violent qu'en Guadeloupe, à suivre...
Toute la petite famille vous embrasse, continuez d'en profiter et de vous remplir les mirettes et la tête de tous ces paysage ainsi que de cette différence qui enrichie.
Bizzz
Armelle, Pef, Marie, Mathilde et Raphaël

Anonyme a dit…

le bonheur c'est de continuer de désirer ce que l'on possède.(Saint Augustin) hin hin hin

On vous embrasse fort. A très vite (peut etre sur Skype si vous avez un moment??)

Amel, Lelio et Raoul