samedi 4 avril 2009

Hampi


Le 28.03.09

Hier : 10 heures de bus à travers une plaine fertile de rizières, comme d'immenses pelouses entre les palmeraies.

A la gare routière d'Hospet, grande discussion autour d'un tchaï avec un type adorable, curieux de savoir quel était le salaire moyen en France et combien je gagnais, combien d'heures nous travaillions quotidiennement dans mon pays, combien de temps nous restions en Inde et quel était notre budget pour un tel voyage, si nous étions mariés Claire et moi, si ce mariage avait été arrangé par nos familles, si le fait de choisir soi-même son partenaire ne favorisait pas les divorces, quelle était la nourriture en Europe et s'il y avait des puri au petit déjeuner, si nous avions, nous aussi des sites archéologiques dans notre pays et, le cas échéant, pourquoi nous éprouvions le besoin ou l'envie d'aller voir ceux de l'Inde... J'ai tâché de répondre à ses questions du mieux que j'ai pu, et me suis empressé de lui en poser en retour.



Le jeune homme (il m'a dit son prénom mais je l'ai aussitôt oublié...) est ingénieur en mécanique. Il gagne 7000 roupies par mois (un peu plus de 100€), ce qui est un bon salaire pour l'Inde, travaille du lundi au samedi sans compter ses heures, profite de sa journée de repos pour aller au temple vénérer ses dieux, et il trouve que le système indien de mariages arrangés est un bon moyen d'assurer la stabilité du couple (d'autant que de nos jours, les mariages sont arrangés "avec amour", c'est-à-dire que l'on choisit son futur conjoint sur photo — des agences s'occupent de tout — et que l'on peut se rencontrer deux ou trois fois avant le mariage pour "apprendre à mieux se connaître").

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Pour tout dire, nous n'avons jamais, Claire et moi, dans aucun pays visité, eu autant de contact avec la population, toujours très curieuse de savoir d'où nous venons, comment c'est chez nous et ce qu'on y fait.


— On n'est jamais seul en Inde. —

Les classes moyennes indiennes (plusieurs centaines de millions de personnes tout de même !) ont un très bon niveau d'anglais, les moyens de voyager dans le sous-continent, et donc de rencontrer des voyageurs occidentaux (dans les bus, les trains, les hôtels, sur les sites touristiques, etc...), mais leurs revenus ne permettent pas à la très très grande majorité d'entre eux de traverser les frontières, ce qui explique toutes les rencontres que nous faisons, et l'attitude de beaucoup de gens à notre égard.

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Et puis, bus de nouveau, boîte de vitesse défoncée dans la nuit à travers foule, ballons, pétards et lumières — le nouvel an indien — et puis, dans la foulée, un éclopé avec un pied bot, le visage déformé et les mains crispées sur les avant-bras nous a emmenés dans une course effrénée à travers le dédale de ruelles de Hampi Bazaar jusqu'à une guesthouse colorée au confort sommaire.

Il y a un restaurant sur le toit.

Ce matin, je bois mon tchaï sur la terrasse entouré de blancs chevelus, barbus en foulards et colliers de perles dégoulinant sur les tatouages.
En face de moi, un formidable gopuram, des colonnades en ruines et d'énormes rochers ocres en pagaille. Lumière blanche. Lamu dans les montagnes...

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Rilke (Le Livre des heures):

"Si tu es le rêveur, je suis la matière de ton rêve.
Mais lorsque tu t'éveilles, je suis ce dont tu rêves encore,
et je me fortifie de toute magnificence
et je me transforme en étoile et mon silence immense
est suspendu au-dessus de cette étrange et lointaine cité, le temps."

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Le 29.03.09

Comment photographier la chaleur ?


Des frangipaniers un peu partout dans les temples poussant sur de la pierre, creusant le granit avec leurs racines.

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Les femmes en Inde ont un creux là où nous avons une colonne vertébrale.

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Le 30.03.09

Hampi est une cité incroyable. C'est un peu le temple du Prince Louis du Livre de la Jungle.

Comme son nom l'indique, Hampi Bazaar est un assemblage de maisons et terrasses imbriquées les unes dans les autres, collées, les unes en-dessous des autres, avec des boutiques de tissus et de bijoux partout.

Tout le village est construit entre le fleuve et le temple dont le gopuram émerge des bâtiments du bazar.



C'est un dédale de ruelles dans lesquelles on a peine à se retrouver au début, mais, bien heureusement, c'est tout petit !

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Le soir de notre arrivée, nous étions épuisés. Les dix heures de bus le premier jour de ma convalescence m'ont achevée.

Hier, nous avons loué un scooter (j'adore ça !) et nous nous sommes baladés dans les alentours.

Il y a des ruines de palais et de temples partout.
On imagine sans mal la grandeur de cet empire en son temps.
J'ai eu la sensation, par moments, d'être à Rome et d'aller d'acropole en Villa Adriana.




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Troisième réveil à Hampi. Paisible et spectaculaire. Partout, des blocs de granit ocre ou rose. Le site est immense. Archipels de rizières et de bananeraies au milieu de collines de rochers, ruines de la ville royale des Vijayanagar (XIVème-XVIème siècle), ville sacrée animée et la lumière qui baigne tout ça.

Hier, nous avons loué un scooter pour nous promener sur le site, mais Claire ne se sent toujours pas très bien, alors elle n'en profite pas vraiment et moi non plus. Elle se plaint de mal de ventre, a des problèmes de colique. Une forme de lassitude s'est emparée d'elle.

Je sens qu'elle n'est pas bien mais je ne sais plus quoi faire. Je suis inquiet à cause de la diarrhée et des risques de déshydratation si ça ne s'arrête pas.



Depuis qu'elle est malade, Claire n'a pas sauté un repas mais elle mange très peu.

Hier soir, elle a vomi son dîner en rentrant (des pâtes, de la sauce tomate, du fromage et un peu de thon).

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Nous avons passé une journée extra, bien que Julien s'inquiète pour moi et mon moral. Il faut avouer que je n'ai pas la sensation d'être remise de mes soucis de santé et cela affecte indéniablement mon moral; je me traîne une fatigue continue, un mal de ventre avec nausées et vertiges, une bonne chiasse et, malgré la faim, un appétit maigre et capricieux !

Vivement que ça cesse !



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Ce matin, je suis seconde après seconde le lever du soleil sur le bazar, les temples de la colline, le gopuram. J'écoute le chant des oiseaux, souris à la famille Gopi dont nous sommes les hôtes, cherche des mots pour dire la beauté des espaces autour de moi et l'inquiétude qui m'étreint.

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Envie d'avaler tout ce qui se présente. Une faim de titan pour le monde autour : traces d'un empire éteint, fondé par deux frères, chefs de guerre faits prisonniers par les musulmans, convertis à l'islam, expédiés dans le sud pour servir l'administration musulmane et qui revinrent à leur religion première pour établir un royaume qui englobait toutes les régions que nous avons traversées jusqu'à présent, traces de ce qui au XVIème épata les portugais, les formes et la lumière de ce paysage, sâdhu et hippies, singes rigolards et vaches débonnaires, le calme et la chaleur, les bains et monolithes, les rires et les jeux des enfants dans les ruelles...




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Aujourd'hui, après une bonne nuit — enfin ! —, nous avons traversé la rivière pour rejoindre le village d'en face, perdu dans les rizières, paradis des hippies et autres baroudeurs.

Ici, tout est beaucoup plus calme et beaucoup plus vert ! Quelques cahutes (surtout des guesthouses) alignées face à la rivière, et tout autour, des cocotiers et des champs.

Nous avons loué deux vélos et sommes partis à l'abordage des alentours. Humpf humpf !! Dur dur avec un soleil de plomb !


Au bord de la route, des indiens empruntaient un sentier qui montait à travers les blocs de rochers. Nous les avons suivis. En haut, une vue panoramique incroyable sur les rizières, les champs et les îlots de blocs de rochers.

Là-haut encore, un tout petit temple à Hanuman (le dieu singe), gardé par un bonhomme drôle et accueillant. Un point orange entre les deux yeux et un thé plus tard, nous redescendions la colline vers nos montures pourries. Personne n'avait volé mon vélo rose Barbie; il a donc bien fallu l'enfourcher à nouveau pour le retour.



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Matinée en vélo de l'autre côté de la rivière.

Avons arrêté nos bicyclettes au pied d'une colline avec un sentier marqué de taches de peinture blanche. Nous avons suivi des groupes de femmes qui en entreprenaient l'ascension.

Petit temple d'Hanuman au sommet. Brahmane sympathique en lungi orange, complètement édenté avec une épaisse barbe blanche inculte et une chevelure toute aussi blanche et hirsute. Les yeux pétillants de malice (peut-être un peu de bétel et d'autre chose...) : "Hanuman !... Strong god ! Come !"

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Claire va mieux.

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Ce midi, paysage hallucinant : sable jaune, rochers ocres, cocotiers, rivière et rizières très vertes émaillées d'oeillets jaunes ou oranges.



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Quelle rigolade ! En revenant du réservoir d'eau qui sert de piscine (un immense barrage dans une rivière), un homme voulait monter sur le porte-bagage de Julien.

Comme celui-ci n'arrivait pas à tenir la route dans le sable, c'est tout naturellement que l'indien a échangé les rôles et placé Julien sur le porte-bagage avec son sac et ses outils. Cette option ne s'avérant pas plus efficace, Julien chéri s'est retrouvé à marcher derrière son vélo sous le cagnard avec son sac et les outils de l'autre qui pédalait joyeusement devant !

Mon amoureux a dû insister un peu lourdement pour récupérer sa monture.

J'ai pleuré de rire et j'ai pensé fort à mes parents et leur "Rackam le Rouge" !



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Soirée avec des travellers franco-belges tendance Mad Max, super sympa. Discussions avec Dimitri, Nathalie et Mallory autour d'une bière et d'une ribambelle de pétards.

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Le 31.03.09




Une nouvelle fois, nous avons loué une motocyclette pour nous perdre dans les ruines et les rizières de Hampi : bac en palmes séchées pour traverser la rivière (je rappelle que nous avions une moto avec nous !), temple d'Hanuman en haut d'un escalier blanc de 600 marches, ruines infestées de chauves-souris...

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Avons fini la journée à Hospet pour filocher vers Goa.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Hampi a l'air d'un endroit magnifique. Vos photos le sont aussi, fidèles reflets, j'imagine, de la réalité. En tout cas, je suis ravie de savoir que Claire va mieux.
Hier, discussion philo avec David sur Slumdog Millionaire, Julien, toi qui a lu le livre, ton avis nous aurait éclairé ! du coup, ça m'a donné envie de le lire.
Ici, dimanche pluvieux, mais très chaud et humide. Un temps à rester au lit, ce que malheureusement, je n'ai pas pu faire.
Je vous embrasse bien fort et attend vos articles et photos avec toujours autant d'impatience.
Cath

Anonyme a dit…

Salut vous !
Ravis de voir que Clairette reprenne des couleurs, on était un peu inquiets... Elle a la force de faire le pitre sur une photo, c que ça va mieux... Ju, que ça fait sérieux ton bouc...
A part ça, Hampi me donne envie...
Les ruines sont splendides, avec Pef, on a la langue à terre... En effet, on a l'impression que Kipling n'est pas loin...
Et que de belles rencontres... Ca doit être ça aussi, la magie du voyage.
Vivement la suite de vos aventures et les photos de Goa !
BizOOOOOOOOO tout doux
Armelle & Co

Camille a dit…

ça fait plaisir de voir la tête de Claire qui fait le clown. Bises

Anonyme a dit…

Eh Oh ! La suite ! Comment va ma soeur ? On n'a pas de nouvelles. A part ça, Hélène et Arnaud ont eu une petite fille, elle s'appelle Manon.