vendredi 19 juin 2009

Amritsar


Le 23.05.09

Bus de nuit, douze heures, pour Amritsar.

Le chauffeur est au taquet, les mains sur le volant, les yeux hors des orbites, collés à l'asphalte. La nervosité qui émane du bonhomme semble confirmer ce qu'on nous avait dit sur les chauffeurs des bus de nuit; pour tenir le coup, pour ne pas s'endormir, ils se chargent au bétel et au charras. Celui-là a l'air fin prêt ! On va vite se rendre compte qu'il conduit comme un ado devant un jeu video !...



Niveau 1, prêt, partez : accélération, slalom entre les camions, slalom serré, sur une petite route toute droite au milieu du désert de dunes, coups de Klaxons, léger dérapage sur la roue arrière-gauche après un brusque coup de volant.

Niveau 2, prêt, partez : le bus s'enfonce dans une tempête de sable, c'est très impressionnant ! Un épais nuage blanc a recouvert l'ensemble du ciel et de l'horizon. Le vent souffle des bourrasques sur les frêles arbustes du désert du Thar. La visibilité est très réduite, mais le chauffeur tient bon; il ne sera pas dit qu'il aura ralenti la cadence : accélération, slalom entre les camions, dérapage, coup de Klaxon.


Niveau 3, prêt, partez : la tempête a cessé, mais la nuit est tombée. Le chauffeur a décidé de faire péter les stats. La mâchoire serrée, les yeux injectés de sang, il n'en finit plus d'accélérer et de donner de violents coups de volant saccadés.

Dans le bus, les gens ont l'air très calme. Certains s'endorment, d'autres discutent. Ils sont tous assez aisés (la plupart sont des familles qui profitent des vacances d'été pour aller voir le Temple d'Or). Une femme d'âge mûr et une petite fille très jolie, toutes deux d'allure beaucoup plus modeste, semblent trouver normal qu'on leur parle sèchement et qu'un moustachu bedonnant leur demande d'un air méprisant de s'asseoir par terre pour installer ses deux morveux joufflus à leur place.
L'un des deux morveux en profite pour balancer la bouteille d'eau de la dame à travers le couloir.


Niveau 4, prêt, partez : après une pause tchaï-pan-zeucla, le chauffeur (qui porte bien son nom; il est vraiment chaud !) reprend la valse à une cadence infernale.

Claire s'est endormie.
Tous les quarts d'heure, elle se réveille en sursaut parce que le car a fait une violente embardée. Je ne dors pas. Je me détends en écoutant le live d'NTM au Zénith ("A base de pow pow pow pow !"). L'un des deux morveux me hèle comme un chien. Il veut mon i-pod. Je l'ignore superbement.

Il y a de plus en plus d'arbres dehors et ça sent la terre. Quand on arrive dans une ville, l'odeur tourne au caca.
Une famille de sikhs barbus et enturbannés monte dans le bus.
On est au Punjab.

Niveau 5, prêt, partez : j'ai fini par m'endormir.


Niveau 6 : il y a des moustiques dans ce bus.

Niveau 7 : ce que je prends pour une pause pipi est en fait un arrêt dû à un accident de bus un peu plus loin sur la route et qui bloque la circulation !

Niveau 8 : 6h00 du mat', arrivée à Amritsar. Il fait bon. Il y a des sikhs partout dans les rues. C'est excellent !


Claire : "On se croirait dans la Guerre des Etoiles !"


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Le 24.05.09

Nous sommes arrivés au Penjab après une nuit atroce en bus. A la solde d'un chauffeur camé et fou furieux pendant huit heures nocturnes, j'ai invoqué la grâce de tous les Dieux pour nos vies.

La ville n'est pas belle et très bruyante mais le spectacle de la rue est surprenant ! Nous sommes enchantés par toutes ces têtes barbues enturbannées.

Le sikh a une vraie tête de bisounours !


Paradoxalement, c'est le peuple guerrier par excellence, mais lorsqu'il sourit, le sikh a les joues rondes, la barbe fournies et bien taillée, un sourire de Père Noël, des petits yeux rieurs et une boule colorée sur le crâne !!!

C'est un vrai changement par rapport au Rajasthan. Plus de bijoux partout, de bracelets aux poignets et aux chevilles, d'oreilles recouvertes d'or, d'anneaux, de chaînes reliants nez, oreilles, bouches... Plus de jupes à volants, de miroirs aux vêtements ni de khôl.
Ici, certaines femmes portent les cheveux courts et ce sont les hommes qui arborent fièrement un bracelet métallique au bras droit : le Karâ.



...

"Gobind instaura un code, un rite d'initiation et cinq symboles distinctifs pour les hommes, dont le nom commence par la lettre K en penjabi : la barbe et les cheveux longs (Kes), le peigne retenant les cheveux (Kanghâ), le poignard (Khanjar), le bracelet métallique au poignet droit (Karâ) et la culotte courte, symbole de chasteté (Kacchh)."

[
Le Sikhisme - Un Monothéisme apaisé, Denis Matringe]

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Enorme foule, compacte, au Temple d'Or ce matin.

Partout, des ewoks avec des épées, des lances, des haches, des couteaux.

Sur l'un des murs, le portrait d'un ewok au poil blanc.
Décapité, il tient sa tête dans sa main gauche, le sabre au clair dans la main droite au milieu d'une bataille.
De nombreux ewoks se prosternent devant l'icône...


...

Le 26.05.09

Dimanche, nous avons visité le Temple d'Or. C'est là qu'Indira Gandhi a envoyé les forces gouvernementales charger les réfugiés rebelles en 1984, violant ainsi le plus haut lieu de culte de la communauté sikh. Ceci lui a valu d'être assassinée par ses gardes du corps sikhs en octobre de la même année...

Souvenir de son bûcher à la télé dans le salon de ma maison à Delhi. Forte impression sur moi à l'époque, j'avais cinq ans.



Mauvais choix de jour, dimanche, une foule ahurissante nous entoure et se presse dans l'entrée du temple. Sans trop comprendre comment, on s'est retrouvé sur une allée de marbre (le Parkarma) entourant un bassin au centre duquel flotte le temple doré.

Quelle splendeur ! Et quel calme !


On en a fait le tour avec des yeux ronds. Des hommes se baignent en se tenant à une chaîne et prient. Beaucoup portent un couteau en bandoulière qui parfois est un vrai sabre ! C'est un véritable lieu de vie qui accueille des pèlerins venus de partout. Ils peuvent loger sur place et une cantine pourvoit gratuitement des milliers de repas par jour pour les nourrir tous.
De nombreux touristes indiens visitent le lieu et certains en profitent pour s'immerger dans l'eau sacrée. Ce n'est pas le Gange et ils ne sont pas sikhs mais bon, pour un hindou, tout ce qui est sacré est bon à prendre, ça ne fait pas de mal au karma !



Le soir, nous sommes allés assister à la cérémonie qui a lieu tous les jours à la frontière avec le Pakistan.
De chaque côté de la ligne, la foule scande à tour de rôle des chants patriotiques, poings levés, bras en l'air, drapeaux au vent ! Tout ça sous la direction d'un animateur qui parle et chauffe dans un micro.

Attari, fête patriotique
Vidéo envoyée par Kunlegs

On remarque tout de même que le côté pakistanais est plus ordonné. Moins de foule, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, moins de chahut... mais la tendance s'inverse peut-être le vendredi !

Ensuite, nous avons admiré les simagrées des soldats des deux camps. Pas rapides, genoux levés, jambes à l'horizontale, torses bombés et poings sur les hanches, ils défient l'adversaire avant de se serrer la main. Les drapeaux sont amenés et les grilles fermées jusqu'au lendemain matin, lors de l'ouverture !

Attari, ministry of silly walk
Vidéo envoyée par Kunlegs

Le bus pour Jammu est parti à 22h30.
Assez inconfortable et brinquebalant, certes, mais pas au point de nous empêcher de dormir si les deux adolescents attardés de devant n'avaient pas tapé la causette, blagouses à l'appui, haut et fort TOUTE LA NUIT !!!! GGggrrrrrrrrrr

03h du matin. Jammu. Sous une bretelle routière. Yeux collés. Gris. Moche. On deale un mini-bus pour joindre Srinagar dans la foulée.



Assis à l'avant, on suit la route et, contrairement à la jeune maman derrière, nous, on ne vomit pas ! Petite route de montagne pleine de virages. Dépassements franchement dangereux et pauses tchaïs tout au long de la route.
On s'habitue à tout.
Le soleil est levé, le paysage est splendide, le chauffeur a les yeux qui piquent et le nez à deux centimètres du pare-brise... et nous, on hallucine ! A tous les virages il y a des militaires armés avec encore quelques poils de fougère-camouflage dans le casque ! Des camions kakis, des convois, deux tanks en bordure de route... On a l'impression d'être des voyageurs clandestins en pays occupé.

Midi, enfin ! Srinagar ! L'air est frais...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello !
Vous vous inscrivez bien dans le paysage, on avait même pô reconnu Julien... C vrai qu'il a une bonne bouille le sikh, et toujours ces couleurs... Bon, j'avoue que le voyage en bus m'aurait assez fait flipper, zêtes courageux quand même...
Bon, bientôt une pose occidentale...
On pense à vous...
BizOOoooo
Armelle & Cie

Camille a dit…

j'adore le parallèle avec la Guerre des Étoiles !!!!
bises

Anonyme a dit…

Hello vous 2 ! A l'heure qu'il est, vous devez être en France, je me doute que le choc doit être intense. Merci pour ces articles et vidéos(que je n'avais pas vu depuis un bon moment...). Maintenant, je sais d'où John Cleese tient son inspiration !
Plein de bises, profitez bien de votre coupure métropolitaine.
Cath