mardi 29 juillet 2008

En boutre...


Le 22.07.08

Sur le boutre. Départ aux aurores après petit dèj' dans une gargote sur le port de Morondava. Beaucoup de vent jusqu'à 10h30. Maintenant, la mer est calme. Nous attendons de pouvoir joindre Belo s/mer que l'on distingue à l'horizon. Ce matin, des dauphins accompagnaient le départ des bateaux.

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Le 23.07.08

Après une grosse matinée de navigation au soleil, un déjeuner local - riz et légumes - sur le bateau, nous accostons à Belo s/mer, petit village de pêcheurs vezo charmant depuis la plage.
Nous avons invité notre équipage à partager quelques bouteilles de THB (bière locale) - que les gars ont englouties en un temps record ! - et sommes partis nous promener.

Le village est fait de petites cases en bois sous toit de palmes sèches avec des clôtures de planches ou branches, qui forment un réel labyrinthe de ruelles sablées. La rue principale compte de nombreux petits bars et stands-échoppes. Véritable village pirate, l'atmosphère qui y règne est calme, comme écrasée par la chaleur. L'après-midi, le temps est suspendu.

Mais le village se réveille à la nuit tombée, les échoppes ouvrent leurs fenêtres, des étalages divers et variés jalonnent toute la rue, la musique bat son plein sous un éclairage de loupiotes jaunes et colorées et les bars sont débordants de visages étincelants de dents blanches et de rires francs.
En quête de toilettes décentes, nous avons échoué nos deux corps à la terrasse de l'hôtel-restaurant "blanc" du bout de la plage. Y avons rencontré la communauté vazaha de Belo.
Retraités amoureux du coin, anciens marginaux déçus par la société cherchant une autre vie et autres vacanciers égarés forment une famille accueillante et alcoolisée... Avons dîné de brochettes de mérou délicieuses avant de prendre congé et de partir à la recherche de notre équipage, en charge de nous ramener au boutre.
Nous les avons trouvés là où nous les avions laissés... attendant la marée basse au sein d'une ambiance déchaînée pleine d'embruns. Deux heures à attendre encore pour pouvoir rejoindre le bateau avec la pirogue trouée... Leur avons donné rendez-vous sous la carcasse d'une des goélettes du chantier naval, où nous avons décidé de commencer notre nuit dans la fraîcheur moite du sable.
22h30 : mal endormis-mal réveillés, nous traversons à pied les deux chenaux à la lueur de la frontale, vêtements remontés sous les aisselles. Nos deux marins sont, semble-t-il, plus joyeux... et souffrent moins du poids de la pirogue qu'ils ont retrouvée dans la nuit sans problème et qu'ils mettent à l'eau en se marrant.
Accroupis au fond, nous tentons de maintenir l'équilibre en silence, l'un des gars écope, l'autre pagaye.
Sur le boutre, sains et saufs, avons découvert une douzaine d'énormes blattes cachées dans les recoins des planches de notre cabine, avec qui nous devions partager cette première nuit à bord. Nous nous sommes glissés dans nos sacs de couchage, blottis l'un contre l'autre et endormis.


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Notre cabine

Au centre du bateau, il y en a deux, séparées d'une cloison de planches mal ajustées; l'une nous est destinée. 3m² de superficie, carrée et d'une hauteur de 80cm, c'est une boîte en bois. A bâbord, une petite ouverture sert de fenêtre. A tribord, la porte d'entrée (50x80cm) par laquelle nous entrons à quatre pattes. Sur le sol, un vieux tapis de mousse taché. Dans la cabine, l'espace est partagé entre nos quatre sacs, les paniers à provisions, les packs d'eau et nous.

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Nous avons passé hier une journée très agréable, étions très enthousiastes. Cette petite gargote tout d'abord, avec cette dame qui préparait les beignets de farine de riz, où les pécheurs du coin venaient boire un thé, la matinée de boutre ensuite, à toute vitesse sur le Canal du Mozambique, portés par un vent de terre rugissant et énergique, vigoureux, l'arrivée à Belo enfin, les chantiers de boutres et de pirogues, le village et la rencontre de deux jeunes ingénieurs, Nonosy et Achille, venus de Tana poser une antenne de téléphonie mobile pour désenclaver la région, en vacances forcées depuis un mois à cause de l'absence d'engin pour acheminer leur matériel sur le site choisi par Celtel, l'entreprise à capitaux arabes qui les emploie. Intérêt pour leur regard de citadins sur le monde rural, sur la pauvreté et sur le dénuement de l'ouest, leur enthousiasme pour la découverte de leur île, leur vision de l'avenir...

Et puis, le vent a tourné. Une armée d'expats a envahi la terrasse sur laquelle nous conversions. Regards croisés de post-coloniaux amoureux des bons sauvages, de retraités alcooliques, d'anciens toxicos en quête d'un lieu de sevrage... Les brochettes de mérou avalées, nous n'avons pas demandé notre reste et avons quitté la case de M. Philippe, espérant pouvoir regagner notre goélette de pirates au plus vite. Peine perdue. La marée haute avait éloigné la plage du mouillage au loin dans la nuit noire. La rue principale de Belo, calme en journée, était devenue un bouge coloré parcouru de putes et de soûlards enivrés par une musique tonitruante crachée par de ronflants générateurs au gasoil. Avons retrouvé là nos deux mousses, Gilbert et truc, qui, à leurs dires, nous avaient (un peu) cherchés, et qui nous ont expliqué que deux heures ne seraient pas de trop pour laisser redescendre la mer afin de rejoindre la pirogue percée qui nous ramènerait au bateau.

Nous avons donc attendu, Claire et moi, dans le sable, à la belle, abrités du vent par le squelette d'un boutre en construction, le moment où nous pourrions enfin aller nous coucher. Les bougres sont revenus 1h30 plus tard un peu saouls. Nous avons traversé les chenaux jusqu'aux cuisses et sommes rentrés en équilibre précaire au vieil esquif en bois de corsaire où nous attendait notre bougon Achab le capitaine Dada (si si c'est son nom !), la bouche toujours entrouverte sur ses grandes dents, un corps de Rodin et une jambe raide (la droite) qui le fait boiter comme dans une légende de marins pittoresques.

L'apocalyptique lumière de nos frontales (encore elles) nous a alors révélé le cloaque qui nous sert de cabine, autre version du "trou" d'Ankavandra (sans la merde !) où les cafards ont eu la gentillesse et l'amabilité de nous faire une place au milieu des puces et des punaises. Chant des rats dans la cale. N'avons pas rallumé nos lampes pour vérifier si c'était vraiment dans la cale... Première nuit.


Journée rude aujourd'hui, où les frustrations se succèdent. Café salé au réveil, gourmandise malvenue de l'équipage pour les distances, impression d'être la marchandise du rafiot, vazaha à livrer au plus vite à Morombe, racisme ambiant, communication interrompue. Fin du message. Bip. Attendons la terre pour nous dégourdir la tête et les jambes.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Coooool des cafards dans le boutre ! Désolé soeurette pour ton copain le canard ! Moi je veux manger Triscotte parce qu'il nous fait suer toutes les nuits mais Hélène ne veut pas...
Bon voyage pour la suite ! Au fait, quelles nouvelles de vos champignons et autres éruptions malgaches ? Ca s'arrange ?
Une dernière petite question, pourquoi Claire ne met jamais le sujet quand c'est "nous" ou "je" ? Par exemple : "Avons fait caca dans un trou", "ai mangé copain canard", ...

Bises de Vinche.