vendredi 15 août 2008

La piste des tombeaux


Le 31.07.08

A Tuléar, nous avons retrouvé Judith et Etan avec grand plaisir. Ils nous ont raconté leur traversée par les pistes entre Morondava et Tuléar, leurs arrêts à Andavadoaka et Salary. Excellent dîner dans un resto italien. Très sympathique. Retour à 6 dans une 4 ailes, un peu éméchés, on a bien rigolé !

Le lendemain, le 29, date anniversaire de notre mariage, petit dèj avec les Ricard avant leur retour en France et à la Réunion. Déjeuner dans un petit resto chinois, massages avec Rose, internet, dernière négociation avant le départ pour Fort Dauphin et retour au Corto Maltese pour notre dîner d'anniversaire.

Hier, départ tardif avec André, un bara avec une jolie moitié de sourire !


Avant de partir, le propriétaire de l'hôtel où nous logeons m'explique qu'il est à 50% de remplissage par rapport aux années précédentes. Quand je lui demande s'il sait pourquoi, il me parle de la hausse du visa (qui a quadruplé cette année, passant de 15 à 60 euros), et me raconte que 70 à 80% de ses clients et des touristes en général à Mada sont français, que ça ne pose pas de problème aux hôtels chics parce que les riches sont toujours riches, mais que la baisse du pouvoir d'achat des classes moyennes en France plombe complètement les hôtels de sa catégorie !... Il aimerait bien, lui aussi, pouvoir voyager et peut-être aller en France un jour, mais pas tout de suite : "J'ai l'impression que ça va pas fort en ce moment !"

Sur la route, charrettes à zébus, vélos, et des dizaines d'hommes qui creusent une longue tranchée le long de la RN7, destinée à accueillir la fibre optique qui devrait relier Tuléar et Tana à l'internet haut-débit via le Canal du Mozambique. Ensuite, la piste, des villages, des hommes aux allures de masaï, beaucoup de cactus, d'euphorbes, de didiéracés, des figuiers de barbarie, quelques makis (lémuriens à la queue rayée blanche et noir), des pintades, des fourmilières, et l'arrivée à la mer en fin d'après-midi. Ai perdu mes lunettes de soleil à Betioky, et Claire son collier d'anniv' de mariage à Beheloka. La lose ! Explosion de gasoil dans le moteur, une fois, poussière et dépôt de gaz d'échappement sur nos corps, tout le temps ! Les bidons empestent le gasoil, nos sacs aussi maintenant, Daniel nous a vraiment refilé un 4x4 pourri...


Hier soir, dîner sympa avec Bernard, l'hôtelier de Beheloka où nous avons planté notre tente face au lagon dans la baie, avec Vincent et Oli, lui vazaha, prof au lycée français de Fianar depuis 2 ans, elle, malgache, merina, prof à la fac de Fianar, tous deux physiciens.
Constat d'impuissance face à l'immobilisme du pays. Impression pour eux que Mada recule au lieu d'avancer, que le système quasi-féodal n'est pas près d'évoluer. 
Sur le président, ils disent que c'est la mentalité du pays, une question de culture : quand on est en haut, quel que soit l'échelon, on "se sert", chacun à son niveau, et c'est normal et très triste à la fois. Ils disent que les jeunes élites ne gagnent rien à rester au pays et à ne pas se casser, que la richesse est dans les mains des fonctionnaires, corrompus, des vazaha, des ONG (!) et des dirigeants, 
que Ravalomanana n'a pas les compétences pour remettre le pays à flot, qu'il n'a même pas été capable d'arroser correctement l'église protestante et l'élite merina qui l'ont porté au pouvoir, ce qui, comme un avertissement, lui a fait perdre la mairie de Tana.
Ils disent aussi que le conservatisme vient bien souvent des paysans et des pécheurs (plus de 80% de la population, peut-être 90%), réfractaires à tout changement, empêchant jusqu'à la construction des puits (!!), qui, même lorsqu'il y a une école dans leur village n'y envoient pas leurs enfants... Bernard dit même qu'il est le seul, à Beheloka, à parler le malgache officiel, que tous les autres ne maîtrisent que leur dialecte... 
Sur la presse, ils expliquent qu'elle est indigente et superficielle. 

"Rien ne marche dans ce pays. Même de Gaulle l'avait compris. Il disait : "Madagascar est un pays d'avenir... et il le restera longtemps !""

Nous sommes le 31 et j'ai le temps d'écrire tout ça car notre 4x4 est enlisé dans une vase salée et sulfurisée à côté du lac Tsimanampesotse, lieu de nidification des flamands roses. C'est très beau ici. Cela fait 1 heure, peut-être deux... même les prières aux ancêtres et le rhum n'ont rien pu faire...


Nous sommes au coeur du pays Mahafaly aux tombeaux somptueux en bordure de piste. C'est un peu comme si les morts étaient mieux lotis que les vivants ! Une case en dur, le respect de ses congénères, la tranquilité...
J'espère quand même qu'on arrivera à sortir d'ici avant d'en arriver là : nos parents n'ont pas de zébu pour édifier notre sépulture !

...

"C'est lui, c'est l'italien..." comme disait la chanson.

Originaire de Parme, parmois, parmais, parmentier, que sais-je ?! Un personnage !

Notre 4x4 s'est enlisé dans le parc de Tsimanampesotse juste après que nous avions pu observer des flamands roses, blancs comme neige. 
En route vers la suite du programme, notre chauffeur a emprunté la mauvaise piste, et nous voilà happés dans le sable jusqu'à l'essieu.

Un 4x4 passe au loin, notre guide fait des signes, ils débarquent, ils approchent, il arrive !!


Pierre, l'italien, petit, chauve, la soixantaine, grosses lunettes, montre Casio orange et caméra video, l'être le plus fascinant de méchanceté qu'il m'ait été donné de rencontrer.
Me voyant prendre quelques photos de notre mésaventure, il m'a adressé, sans que nous ayons été présentés, quelques mots agacés : "Que catso fay !!","fotografia !?!" en italien. Puis, je l'ai entendu bougonner et crier à tout le monde "on y va" tout en se dirigeant vers son 4x4 flambant neuf ! Il nous a lâchement abandonnés à notre sort...

3 heures plus tard les revoilà sur le retour (ils avaient eu le temps d'admirer le parc, eux !).
Entre temps, notre guide était parti chercher de l'aide au village : une charrette à zébus, quelques hommes et des planches. Le chauffeur était toujours en train de tenter quelque chose, Julien et moi étions abasourdis par la chaleur et le désespoir... L'italien a décrété que nous allions mourir sur place si nous décidions de refuser son invitation extraordinairement généreuse de nous ramener au village.
Puis, il a coupé la parole au guide en lui disant qu'il n'était pas question de s'attarder à chercher une solution et que la visite n'était pas terminée ! Julien et moi sommes montés avec eux pour rejoindre le village.

Sous la paillote du restaurant, il m'a dit qu'il y avait 2 tables avec 2 couverts et s'est précisément installé à celle où j'avais déposé mes affaires...
A 4 sous la paillote au bord d'une plage déserte, le français qui l'accompagne (prof à la Réunion) a proposé que nous partagions la même table, mais l'italien a refusé : "Ah non, non ! pas assez de place !" !!!
Julien a souri, je n'ai pu retenir mon fou rire intérieur !

...


Le 01.08.08

Francesco et le mauvais oeil : "Les gens ici ne se font pas de cadeau, il y a beaucoup de jalousie !"

Les croyances populaires sont très vives à Madagascar et les superstitions sont très importantes.
Aujourd'hui, la voiture s'est enlisée dans un rail de vase aux alentours du lac. Francesco, le guide de l'ANGAP (Assoc' Nationale de Gestion des Aires Protégées) qui nous accompagnait dans la réserve, y a vu la présence d'une malédiction.
En essayant de dégager le 4x4, il a posé le pied sur un clou rouillé. 
Cela ne l'a pas surpris parce que la veille, quelqu'un rôdait autour de sa maison pour lui jeter un sort. Il a alors rêvé qu'il se battait avec le diable. 
Il pense qu'il est envoûté.
Demain, il ira voir le guérisseur...

...


Toujours le 01.08.08

Avons quitté aujourd'hui les côtes sublimes du pays Mahafaly où l'eau est bleue comme en rêve et le lagon à perte de vue sur des plages douces et blanches.
Quitté les didiéracés, cactus, figuiers de barbarie, euphorbes et petits villages en bois et paille, habités d'hommes en couverture à carreaux, coiffés de chapeaux de paille, armés de haches, de machettes ou de sagays.
Quitté les pintades sauvages, les chèvres par troupeaux et les pistes de sable blanc, pour remonter sur le plateau calcaire et sur les terres granitiques, et leurs pistes de poussière rouge, fine, fine, et de rochers relous.

C'est le soir et nous sommes à Ampanihy.
Avons pris la douche au broc pour nous laver de la poussière rouge, fine, fine, de la piste et du dépôt de gaz d'échappement sur nos corps, dans nos oreilles, dans nos trous de nez.
Fatigué de manger du poisson à tous les repas sur la côte, je suis bien content d'accompagner ma bière de ce soir d'un bon steack de zébu grillé avec des frites !!!


Demain : longue route jusqu'à Fort Dauphin.

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