vendredi 8 août 2008

Mangily


Le 26.07.08

Epuisés, couverts de poussière, un mal de crâne persistant dû au bruit du moteur, aux gaz d'échappement inhalés toute la journée, et à la stéréo du camion - une cassette de musique locale en boucle tout au long du trajet : nous venons de faire 20 heures de taxi-brousse !

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Mangily. Le repos. Enfin.

20 heures de taxi-brousse ! Il aura fallu 20 heures pour atteindre Mangily par la route. Nous sommes rompus !

Hier, traversée du Menabe par les terres.
Réveil 1h15, départ 1h30 du mat' dans une espèce d'énorme camion aménagé charroyant hommes et marchandises. Après avoir fini la nuit glaciale, tant bien que mal, allongés comme on a pu sur de vieilles banquettes entre des sacs de poissons séchés, avons subi des heures durant les chaos d'une piste défoncée, traversant des villages africains, terminant le remplissage complet du bahut dans une joyeuse promiscuité : hommes, femmes, enfants, poules, coqs, poissons morts. Paysages quasi désertiques, cactées, épineux, champs de manioc, troupeaux de zébus, enfants aux côtes saillantes et au ventre gonflé, poussiéreux, vêtus d'habits troués, femmes en boubou, le visage peint, portant parfois des paniers sur la tête, hommes au regard dur, avec chapeau, sur des vélos, sur des charrettes, sur la piste, armés parfois de fusils, de sagays, cases en pisé, en bambou, en bois, en paille séchée entourées de clôtures faites de tiges de bois dressées. Poussière, beaucoup de poussière. Des mouches. Odeur de mauvais gasoil masquant le poisson séché. Nez rapidement bouché. Musique tonitruante à chaque arrêt; chauffeur trimbalant ainsi les hommes, les denrées, et l'"ambiance", le temps d'une pause, dans les villages.


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Le taxi-brousse

C'est un gros camion en deux parties. Une cage conducteur et une remorque en bois avec une bâche en guise de toit. Haut sur pattes - il faut trois ou quatre marches pour y monter - l'espace passagers abrite deux rangées de 8 banquettes en bois à armature de fer, agencées avec des clous mal enfoncés. Chaque banquette est prévue pour accueillir deux personnes, mais la générosité malgache fait largement fi de cette règle ! Entre les deux rangées, le couloir, large de 30cm environ, est agrémenté de mini-sièges venant relier les banquettes contiguës pour augmenter la place, si bien que l'on est obligé de marcher dessus pour accéder à son siège. Au-dessus, deux rails s'étendent de chaque côté sur toute la longueur de la "cage" pour loger sacs, chapeaux, fruits, et autre fourbis. C'est là, à l'avant, qu'a été placé le haut-parleur... Reliée par un système ingénieux de fils dénudés, scotchés et rapiécés à la cabine du conducteur, la musique glisse par un miraculeux désajustement de la vitre arrière depuis l'auto-radio du camion.

Une fois empli d'hommes, femmes, enfants, poules, canards, coqs, sacs et couvertures, de bidons d'eau, d'huile et d'essence, de sa cargaison de fruits et de poissons séchés (à l'odeur, aucun doute !), on charge le toit de bagages et de meubles. Alors, le taxi est prêt à partir, à braver la piste chaotique, jonglant entre la 1ère et la 2nde à une moyenne de 20km/h.

Si la panne d'essence vous surprend en pleine brousse et que vous ne comprenez pas pourquoi on change la roue (!), armez-vous de patience et ne vous inquiétez pas, l'essentiel, c'est qu'il repart !

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Puis, ce fut le retour de la nuit, le retour du vent froid après la chaleur étouffante de la journée, et l'arrivée à Mangily. Etrange...

Dans la nuit noire, les gargotes allumées empestaient l'alcool et le malsain. Un vrai lupanar... Deux hommes blancs passèrent près de Claire pendant que je tâchais de récupérer nos sacs sur le toit : "... t'abuses quand même, elle a quel âge ?..."
Deux hommes blancs (un breton et un bordelais) retrouvés quelques minutes plus tard dans une espèce de snack, complètement allumés, en compagnie d'une grande femme malgache au visage gris : "... ouais bon, après, les familles viennent te voir en colère, mais bon, c'est pas mon problème !..."
Dans ce snack où nous nous sommes arrêtés un instant car nous avions faim et qu'il était tard, nous avons rencontré les blancs d'Ifaty et Tuléar (uniquement des hommes), explosés d'alcool et de cachetons, en route pour les boîtes de nuit du coin. Au loin, les grosses basses d'une grosse techno qui tache.

Un camionneur retraité au ventre rond, membre de cette petite communauté, résident d'Ifaty, a eu la gentillesse de nous emmener avec son Land Cruiser japonais (volant à droite) à notre hôtel, réservé la veille (une fois n'est pas coutume), dans le labyrinthe des ruelles du village, et, enfin, au beau milieu de la nuit, nous avons pu nous coucher dans un bon lit, menés là par un homme noir avec une hache et un chien.

Ce matin, réveil dans un joli bungalow face à un lagon immense. Soleil, calme, doux bruit des vaguelettes s'échouant sur le rivage. A l'écart du chaos, nous savourons notre repos.


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Ce matin, sur la plage devant l'hôtel, deux chaises longues en bois fatigué et un parasol de palme nous attendaient. Devant nous, le lagon à perte de vue et une ou deux pirogues à balancier au large. Sous nos pieds, le sable beige-doré extra fin et autour de nous, la plage déserte et quelques groupes de femmes et d'enfants malgaches.

Elles sont venues nous entourer de sacs plastiques d'où elles sortaient des colliers, des coquillages géants, des sculptures en bois, en annonçant avec un large sourire des prix que nous étions priés de discuter !

L'eau est bien fraîche. Alors, après un rapide bain, j'ai longé la plage pour ramasser de jolies porcelaines de toutes sortes. De retour sur ma chaise, trois enfants en culotte et couverts de sable se sont précipités autour de moi et se sont emparés de mon magazine déjà malmené par le voyage. Je les ai laissés le torturer avidement tant leurs yeux pétillaient devant les photos des vazaha "photoshopées" et les pages mode.

Ce matin, nous avons noyé les blattes du boutre dans l'onde chaude du soleil et l'air de paradis de Mangily.

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Difficile, après les émotions de ces derniers jours, de se projeter dans la suite du voyage... Aller à Fort-Dauphin et parcourir les pistes désertiques du sud de l'île jusqu'au panache de verdure de l'ancien comptoir français ? Ou remonter la RN7 jusqu'à Tana, découvrir les parcs, l'Isalo, Andringitra, Ranomafana, et rentrer doucement sur les Hautes Terres du Betsileo et de l'Imerina pour clore la boucle sans avoir besoin de prendre un vol intérieur ?

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Nous prenons donc, de ci de là, des renseignements sur ces différentes régions afin d'arrêter notre itinéraire.

Il semblerait que Fort-Dauphin soit devenu la proie d'entreprises anglo-saxonnes. Australiens et canadiens seraient en train de racheter les terres aux paysans malgaches pour en extraire un minerai utile dans les constructions aéronautiques (boxyte et titane). On raconte que l'Etat ferme les yeux sur des enveloppes pleines de billets, que les hôtels sont achetés par les compagnies pour loger leurs expats, que les prix dans la région sont en train d'exploser, de même que la spéculation sur le foncier qui s'enflamme, et que le territoire est en voie de transformation radicale...

D'un autre côté, remonter la RN7 (une route goudronnée, enfin !) reviendrait à rentrer dans le rang du tourisme de masse. On est en pleine saison, et les sites, si splendides soient-ils, le sont toujours un peu moins lorsqu'il faut les partager avec des dizaines de vazaha en 4x4 avec chauffeur et appareils photo numériques, d'autant que nous avons pu y échapper ces trois dernières semaines (exception faite de la course au soleil entre Bekopaka et Morondava pour arriver à temps à l'allée des Baobabs au milieu d'une armée de touristes - non pas que nous rejetions nos semblables, mais le charme de ces lieux où l'on se croit seul au monde... comme maintenant sur cette dune au-dessus d'une plage déserte...).

Voilà en quelques mots le dilemme du jour. Nous y verrons sans doute plus clair lundi à Tuléar.

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Coucher du soleil sur le lagon.
Beau comme un coucher de soleil sur le lagon !!

Claire se fait masser à l'huile de coco. Après ce sera mon tour...
Demain, nous irons nager au milieu des coraux avec les poissons du lagon et manger de la langouste fraîchement péchée sur la plage. Des vacances, quoi !!!

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N'avons toujours pas surpris le rayon vert mais ne désespérons pas !

Julien se fait masser à l'huile de coco rance et découvre les longues minutes de plaisir que je viens de vivre...

Il va expérimenter l'énergie des gestes de la femme de chambre de l'hôtel qui fait la tournée des bungalow depuis 9 ans, le jour, pour les nettoyer, le soir, pour proposer ses talents de masseuse, de coiffeuse de "petites tresses" !
Ses mains ne sont pas douces comme celles des jeunes filles des centres de beauté que nous connaissons, mais rugueuses, lourdes et décapées aux produits d'entretien. C'est le gommage pendant le massage, le 2 en 1 ! Elle repère les muscles et les astique avec son efficacité de travailleuse formée à la pratique. Pas de pudeur mal placée, tous les coins doivent être vérifiés à la main professionnelle qui ne laisse aucune place à la gêne ou l'embarras... Et c'est à ce prix qu'elle gagne l'efficacité ! On se sent tout simplement dé-roui-llé ! Quel bonheur...

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Mais après, on sent pas très bon, et ça imprègne les vêtements...

(à suivre...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Eh ben, c'est bien triste tous ces troudbals qui viennent abuser de la pauvreté. Profitez bien de ce petit repos et allez voir les trucs beaux, tant pis s'il y a des touristes. Vous avez déjà vu de l'authentique... non ?