dimanche 17 août 2008

Traversée de l'Androy vers la baie


Le 02.08.08

Beaucoup de piste ce matin, et de nombreux tombeaux perdus dans une brume pesante, qui recouvre tout, comme si les esprits des ancêtres partageaient un instant notre route. En bordure : cactus et aloès. Sortis du brouillard, des gens comme des ombres quittent le bivouac de la nuit pour apporter des denrées au marché. Les femmes portent un seau sur la tête. Les hommes en portent deux aux extrémités d'un bâton posé sur l'épaule. Couvertures de tissus colorés, vêtements déchirés, chapeaux de paille. Quelques cyclistes et charrettes à zébus comme émergeant de nulle part.

Le paysage s'est peu à peu éclairci sur les coups de dix heures. Notre 4x4 a perdu une énorme pièce (l'essieu je crois...) et nous avons continué (en traction avant) sur le chemin de bosses et de cailloux qui doit nous mener à Fort Dauphin.

Un gendarme, embarqué à Ampanihy au petit jour, nous a indiqué un raccourci en marge de la route principale et nous sommes partis, l'espace d'une petite demi-heure, sur une mignonne petite piste moelleuse, rouge dorée, bordée de chocas et d'acacias.
Une petite tortue radiata se promenait sur le bas côté. Lorsqu'elle a vu le gros 4x4 arriver dans le bruit et la poussière, elle a semblé surprise, puis, lentement, a rentré ses pattes et sa tête dans sa carapace en fermant les yeux.

Nous sommes maintenant à Beloha. André est parti réparer la pièce cassée. Sommes sur le point de troquer notre gendarme pour un américain de 24 ans, Derek, originaire de Chicago, fraîchement débarqué ici pour enseigner l'anglais au lycée de Beloha. Il fait parti d'un programme de volontariat américain, restera ici deux ans. Sommes impressionnés par la vitesse à laquelle il a appris le malgache (six semaines de cours intensifs avec hébergement en famille près de Tana aux frais du gouvernement américain). Manque de pot : à Beloha, les gens ne parlent que le dialecte antandroy !

Derek est plein de bonnes intentions. A 24 ans, il veut aider le tiers-monde, apporter ses compétences pédagogiques, son énergie, etc, etc... Il est fils d'enseignants de Chicago, votera Obama aux prochaines élections "parce qu'il y a plein de choses à changer dans [son] pays et dans la politique internationale des USA", etc, etc... Il n'était jamais sorti des Etats-Unis avant d'arriver ici il y a 7 semaines.

...


Pendant qu'on discute, le paysage désertique défile sous nos yeux. Des cactus, des épineux, des didiéracés, des aloès et puis, de plus en plus de gens qui marchent le long de la piste, des charrettes à zébus, des troupeaux de chèvres; nous arrivons à Ambovombe.
La terre rouge a complètement pris le dessus sur le sable.
Le paysage devient très vallonné.
Les villages sont désormais faits de cases en dur, solides, en planches de bois.
Il y a des champs, bordés de cactus, organisés : beaucoup de maïs, du manioc, des pommes de terre.
La terre est de plus en plus généreuse.
De longues lignes de sisals sont plantées pour faire des cordes et de la vannerie.
La piste laisse la place à une route goudronnée pleine de trous, si mauvaise qu'André roule sur ce qu'il reste de piste sur le bas côté.
Au loin, une chaîne de montagnes bleues dessine la ligne d'horizon sous un ciel irréel, dégradé de mauve, de rose, de jaune et de bleu.

Le soleil se couche derrière nous et nous approchons la montagne dans la nuit.

Nous roulons pendant quelques heures sous la voie lactée et les étoiles filantes du mois d'août, sur les lacets de cette mauvaise route farcie de nids de poule et de crevasses. 
Les arbres sont de plus en plus hauts et feuillus. Silhouettes d'eucalyptus, de mimosas, de manguiers en fleurs et de palmiers.

Soudain, comme une apparition, des rangées de maisons sur la gauche, comme les îlots résidentiels d'Edward aux mains d'argent, d'American Beauty ou de Virgin Suicide, reliées par des routes éclairées de luminaires oranges et réguliers. Juste le temps de se frotter les yeux et nous croisons une route superbe, neuve, goudronnée, sans sable ni poussière, avec un beau marquage au sol blanc pour organiser la circulation. André nous dit que c'est la route qui mène au nouveau port.

Après avoir passé deux barrages de police, le 4x4 s'enfonce dans la ville.
Une enseigne annonce une "high speed connexion".
Nous passons à côté d'une dizaine de panneaux publicitaires, avons l'impression d'avoir changé de pays : rien ne ressemble à tout ce que nous avons vu depuis 4 semaines à Madagascar.


L'arrivée est stressante.
La musique bat son plein - c'est samedi soir... - et le prix des hôtels est pharaonique. André est crevé alors on prend l'un des premiers. Il est tard.

Nous allons dîner dans le seul resto du coin encore ouvert.
C'est plein de bruit, plein de blancs, ça parle anglais. Les spécimens ont des tronches de bagnards, ils portent des chemises de bowling, des moustaches rousses, fournies et taillées, et des gros bides gonflés de bière au dessus de la ceinture. Certains sont accompagnés de leurs femmes : gueules de trois mètres de long face aux petits culs frétillants des jeunes malgaches, gros culs plats, sapées comme pour un safari au Kenya. Les autres enlacent de jeunes putes malgaches sous le regard anxieux des unes, envieux des autres.
Ça rigole et ça dit "fuck" (à part les gonzesses qui se rongent les ongles !...). Ça boit beaucoup de THB et ça essaye de danser comme des africains. 
La carte du resto est au diapason : T-bone avec des frites et du ketchup Heinz.

Dehors, des 4x4 et des minibus siglés "Kentz - Engineers & Constructors".

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